Quand François Hollande avait annoncé qu’il signerait son livre au Leclerc de Plérin, en Bretagne, le microcosme parisien s’était gaussé. Et de l’ancien président. Et du public qu’il ne risquait pas de rencontrer dans un tel lieu. C’était bien mal connaître la réalité française. Les bretons avaient afflué jusqu’à deux heures du matin. Comme un pied de nez à l’arrogance des penseurs « nationaux » de la capitale qui croient constituer l’épicentre du pays. Plérin, c’est la France périphérique. Celle des gilets jaunes.
À chaque élection, le monde politique s’inquiète du vote en faveur des extrêmes ou de l’abstention. Il cherche, avec les médias, à comprendre les laissés pour compte, les exclus, les invisibles. Une façon de désigner pudiquement les plus pauvres dont les revenus sont insuffisants pour vivre décemment.
Avec les gilets jaunes, cette population s’élargit. Cette France là ne vit pas dans la grande pauvreté. Elle vit l’oeil rivé sur son compte en banque en surveillant ses moindres dépenses. Elle habite souvent en périphérie des villes, parce que c’est moins cher et qu’on ne peut pas payer davantage, ou parce que pour le même prix, on s’y loge plus grand, de façon un peu plus agréable. Avec parfois, le sentiment de moins subir la pollution. Mais on se déplace en voiture. Parce que les centres commerciaux (Leclerc !) sont à quelques kilomètres, comme le médecin ou les services publics. Et que les transports en commun sont peu pratiques ou inexistants.
De l’élection d’Emmanuel Macron, en 2017, ces Français qui ne sont ni urbains ni ruraux ont d’abord retenu la suppression de l’impôt sur la fortune. Après le bouclier fiscal de Nicolas Sarkozy, le CICE de François Hollande, ils ont le sentiment d’un nouveau cadeau fiscal accordé prioritairement aux plus riches. Ces Français se sentent rejetés à la lisière du monde politique. Ils n’y croient plus.
La taxe sur l’essence a été vécue comme une menace sur leur équilibre de vie. Ils ont réagi sans passer par les structures politiques ou syndicales.
Ils savent que leur mouvement est regardé avec intérêt par tous les partis d’opposition.
Devenu protéiforme, le mouvement s’adresse à Emmanuel Macron, parce qu’il est au pouvoir. Mais les gilets jaunes n’en pensent pas moins des autres responsables politiques. Le mouvement n’épargne personne, pas plus le signataire du Leclerc de Plérin que les autres.
Dans les pays émergents, nous revenons de l’île Maurice, nous étions l’an dernier au Cambodge et l’année d’avant au Laos, il y a des bus partout, des moyens de déplacement adaptés aux revenus des gens, ce n’est globalement pas si dur de se rendre au travail ou au marché, même si parfois les conditions et les matériels sont dans un état à la limite de la dignité. En tout cas, il n’y a certainement pas ce sentiment de prise en otage que peut ressentir une population qui vit dans la lointaine périphérie ou qui vit dans des villages isolés dont on a extrait commerces et services publics, et qui sont entièrement dépendants de la voiture.
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