Le titre choisi par LCI est très juste, au Front national, devenu Rassemblement national, il faut s’appeler Le Pen pour prétendre tenir les rênes du mouvement. Mais cela ne suffit pas pour capter l’héritage.
Il existe également un droit d’aînesse que Marion Maréchal (Le Pen) a vérifié face à sa tante, malgré le soutien de son grand-père. Marine Le Pen a longuement hésité avant d’accorder un entretien aux journalistes de LCI dont le documentaire était diffusé ce soir (en replay ici). Elle a finalement choisi de livrer sa vision personnelle de la façon dont elle a exclu son père du mouvement qu’il a incarné 45 années durant.
« Ça a été horrible », concède-t-elle le regard mouillé, perdu dans le souvenir des humiliations que lui a fait subir le président déchu. Elle parait sincère, et on la croit. Ce fut sans doute horrible de « tuer le père » sur la place publique. Mais la candidate battue au second tour de la présidentielle de 2017 a du métier. « C’était ça, où la disparition du mouvement », précise-t-elle, sans regret. Elle revendique haut et fort cette décision que certains cadres du mouvement voudraient faire porter à Florian Philippot.
Le mérite de ce documentaire est de confronter différentes versions de la même histoire. Ainsi en est-il au moment de la désignation de Marine Le Pen à la présidence du mouvement contre Bruno Gollnish. Plusieurs témoins affirment que Jean-Marie Le Pen n’avait rien promis à son bras droit. Si si, assure sa fille, « Gollnish était son dauphin ». Autrement dit, elle n’a pas hérité du FN, elle l’a conquis. Par la relecture de ces deux temps forts de son ascension, Marine Le Pen ne se contente pas de se donner une version personnelle des évènements, elle définit un profil plus avantageux : elle n’est pas une héritière, mais une guerrière.
La confrontation entre différents points de vue sur le même temps fort est encore plus révélatrice à propos des tensions avec Marion Maréchal Le Pen. Il y a eu un clash, sous-entend notamment Florian Philippot, se souvenant des larmes de la nièce. « Il n’y a pas eu de clash » tranche Marine Le Pen, « j’ai pris une décision dans l’intérêt du mouvement ».
À l’heure ou les responsables politiques sont soupçonnés de privilégier leurs proches ou de leur épargner certaines épreuves, Marine Le Pen conclut, définitive : » il y a beaucoup de gens que j’aime beaucoup à qui je suis amenée à dire non. »
En 2017, après mordu la poussière face à Emmanuel Macron, lors du débat d’entre deux tours de la présidentielle, Marine Le Pen semblait ne plus pouvoir se relever de cet échec. Moins de deux ans après, elle redéfinit son histoire et se dessine un nouveau visage. Celui d’une femme politique capable de savoir dire non, capable de dépasser son intérêt personnel. Un argument destiné à fissurer le plafond du second tour de la présidentielle en 2022. Évidemment, cette qualité est contredite par son statut d’héritière qu’il est urgent pour elle de démentir.