À Biarritz, le président français s’est coulé dans le costume d’un avocat d’affaires chargé de négocier un contrat entre plusieurs sociétés concurrentes.
Il a préparé son sommet avec les mêmes méthodes visant à tout connaitre des différentes parties. Tout savoir sur leurs goûts personnels, qu’ils soient alimentaires ou climatiques, ne rien négliger de leurs références et de leurs habitudes culturelles. Bien connaître leurs craintes par rapport aux dossiers. Ne rien ignorer des lignes rouges à ne pas franchir. Décoder la façon dont négocient les différentes parties, quand un « peut-être » bien articulé marque une énorme avancée par rapport à un « oui, mais » susurré. Et surtout, parvenir par tous les moyens à garder toutes les parties autour de la table. Tant qu’on y discute, tout est possible. Si une partie claque la porte, le contrat s’envole.
Cette stratégie a été déployée avec succès auprès de Donald Trump. À force de le rencontrer, Emmanuel Macron a compris que le président américain ne cèderait jamais sur une promesse de campagne. Mais il a aussi compris combien l’américain aimait surprendre son monde, et surtout, combien la présence de son staff l’obligeait à une posture plus raide lors des rencontres officielles. Le président français a donc opté pour un déjeuner en tête à tête, dès l’arrivée de Donald Trump à Biarritz, lui faisant servir un porc caramélisé de nature à ravir les papilles américaines. Un avocat d’affaires sait ne rien laisser au hasard. Emmanuel Macron a même tenté le geste impromptu, aussi calculé que l’ajout inattendu d’une clause spéciale, avec la venue du ministre iranien des affaires étrangères, gage de la bonne volonté iranienne.
Cette approche a fonctionné. À défaut d’être sur ses terres, Donald Trump a retrouvé ses repères face à quelqu’un qui parlait sa langue. La compétition entre deux chefs d’Etat pour savoir qui était le plus chef des deux a pu céder la place à une discussion destinée à la recherche d’une solution entre chefs d’Etat.
La méthode Macron fonctionne quand il connait ses interlocuteurs. Ce qui n’est pas visiblement pas le cas avec Jair Bolsonaro. Ses prises de positions ont définitivement braqué le président brésilien au lieu de l’amener à la table de discussion. Emmanuel Macron semble en avoir fait son deuil, puisqu’il dit espérer que les brésiliens auront « très rapidement un président à la hauteur ».
La réussite de cette méthode peut-elle être transposable en France?
Car même si Emmanuel Macron a pris soin de tenir les Français informés du déroulement de ce G7 et de ses retombées en France, la question de la méthode reste posée très concrètement avec la réforme des retraites. Le recours au « gouverner avec » défendu par le président pour l’acte II de son quinquennat rejoint l’approche de l’avocat d’affaire à la recherche de compromis. Et là, il n’y a pas un seul interlocuteur à connaître et amener à la table de discussions, mais des millions.
Bien sûr, il y a bien les représentants syndicaux. Emmanuel Macron avait considéré qu’ils ne représentaient plus personne. Un leader syndical ne parle pas au nom de ses adhérents de la même façon qu’un chef d’entreprise ou un chef d’Etat. La crise des gilets jaunes a confirmé ce procès en illégitimité. Mais le président semble revenir sur cette erreur. Les syndicats sont désormais traités avec considération, même si Emmanuel Macron cherche encore la bonne recette pour tout comprendre de l’état d’esprit de l’opinion, ses habitudes, son langage (que de fautes en matière de langage durant la première partie du mandat!), les lignes rouges à ne pas franchir.
L’âge pivot en est-il une à ses yeux ? C’est ce que suggère la volte-face présidentielle au 20 heures de France 2 hier. Il n’est plus question de s’accrocher à cette référence ressentie comme une hypocrisie mais de regarder ce qui peut être fait sur la durée de cotisation.
Les syndicats seront consultés, bien sûr, mais le président compte aussi sur ses ministres et les parlementaires de sa majorité pour effectuer ce travail d’échange avec les Français, avec « écoute et humilité ».
« Vous ne passerez rien en force » constate, sur LCI, le ministre Bruno Le Maire. Au fil du temps et des crises, l’art de gouverner évolue. « Gouverner, c’est choisir » affirmait Pierre-Mendès France dans les années 50. « Gouverner, ce n’est pas plaire » assurait François Mitterrand dans les années 90. Et si désormais, gouverner, c’était savoir négocier?
« Le vice de l’hypocrisie est, dans l’État, d’une conséquence bien plus dangereuse que tous les autres»
Tartuffe.
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