De Charlie à Obono, la progression des insidieux

Il est des coïncidences révélatrices. 

À la veille de l’ouverture du procès des attentats contre Charlie, Valeurs Actuelle publie un conte assimilant la députée Obono à une esclave. Il est tentant d’englober le tout sous le concept de la liberté d’expression, comme si le racisme, même insidieux, pouvait se discuter. 

L’image publiée par Valeurs Actuelles est choquante. Elle a suscité une indignation unanime, au point que l’on oublie le texte qui accompagne ce dessin. Or, non seulement le conte imaginé par Valeurs Actuelles est contestable, mais il est aussi révélateur d’un mouvement insidieux dangereux. Sous couvert de débat républicain, tolérant, ouvert à tous, des positions inacceptables deviendraient subrepticement des positions qu’il conviendrait de contrer par la raison. Or, le racisme n’est pas une opinion raisonnable, c’est une position inadmissible.

Reprenons l’exercice auquel s’est livré Valeurs Actuelles. Passons sur la logique assimilant une personne à sa couleur. Tout a déjà été dit. La réduction de Valeurs Actuelles a des relents tout aussi racistes que le tweet de Danièle Obono saluant la nomination de Jean Castex par ces mots «  profil : homme blanc de droite bien techno ». Réduire quiconque à sa couleur est raciste. 

Mais il faut lire la fiction imaginée par Valeurs Actuelles pour mesurer ce qu’elle révèle d’une approche fausse vis-à-vis de l’esclavage destinée à rassurer la bonne conscience des sociétés qui l’ont pratiqué. 

Résumons ce conte. Danièle Obono se réveille dans une tribu africaine au XVIIIe siècle. Elle s’y sent bien jusqu’à ce que le chef du village l’abandonne à des nomades travaillant pour des négriers arabes. Arrêtons-nous sur ce début. Que faut-il comprendre ? Que l’esclavage a été inventé par ceux-là mêmes qui l’ont subi, les tribus noires africaines. Les Européens qui se sont livrés à la traite n’ont donc rien inventé.  Vieux réflexe enfantin du « c’est pas moi qui aie commencé ». Viens ensuite la deuxième. « Quand j’ai su, j’ai essayé de corriger ». 

Reprenons cette fiction. Après un long calvaire dans cette caravane d’esclaves, l’héroïne de ce conte est vendue à un Turc auprès duquel elle reste trois ans, période que le narrateur décrirait comme presque « heureuse [s’il] n’y manquait d’être maître de son destin ». Voici le bon vieux mythe du « bon maître » qui ne frappe pas son esclave, mais le loge, le nourrit et l’habille. Mais l’esclave est privée de liberté, l’auteur admet que l’héroïne de ce conte ne peut être heureuse. Elle y parvient cependant quand elle est rachetée par un chrétien blanc qui l’embarque pour Marseille. Et là, volontairement, ne connaissant personne, elle se rend de son plein gré dans un monastère où elle découvre la « chose la plus importante au monde  : aimer et être aimé. Tout le reste n’est que mascarade et esclavage ». Nous touchons là un des mythes destinés à consoler notre conscience face à l’esclavage, non seulement nous ne l’avons pas inventé, mais nous l’avons adouci. 

C’est le grand argument opposé à ceux qui s’attardent sur le Code Noir rédigé par Colbert. Ils seraient coupables de le lire avec des yeux contemporains sans tenir compte du contexte. Mais ce sont ceux-là qui conservent leurs visières du vingtième siècle pour interpréter ce règlement. Le Code Noir était une réglementation destinée à préserver la main d’oeuvre noire pour des raisons commerciales et non humanitaires. Il n’a pas adouci la condition des esclaves. Certes, le maître est désormais obligé de nourrir son esclave, mais c’est parce que le Code Noir retire à l’esclave la possibilité de posséder sa petite parcelle de terre destinée à sa propre culture vivrière (qui pouvait lui permettre de constituer des réserves pour s’enfuir). Autre recul fondamental, le statut des enfants né d’une esclave et d’un maître. Auparavant, la tradition était que cet enfant naissait libre, comme son père. Or, ces enfants étaient de plus en plus nombreux, et les propriétaires d’esclaves n’y trouvaient plus leur compte. Le Code Noir remédia à ce problème en posant que l’enfant d’une esclave demeurait esclave, quel que soit son père, sauf mariage des parents, que le maître avait toute liberté de refuser. Il est facile d’imaginer où se situait son intérêt. 

La question n’est pas de juger le Code Noir, il est seulement de décrire ce qu’il était, dans son contexte. Le rôle de l’histoire n’est pas de nous donner bonne ou mauvaise conscience. Ceux qui s’efforcent de lire ce passé en minorant le rôle des puissances qui se sont livrées à la traite se trompent autant que ceux qui prétendent faire porter la responsabilité de l’esclavage sur les épaules de responsables d’aujourd’hui. Il ne faut jamais confondre les individus avec les idées, les principes ou les croyances qui les lie, qu’il s’agisse d’une religion ou d’une nation. 

La critique du rôle de la France dans l’esclavage n’est pas l’accusation des personnes qui l’ont pratiqué il y a plusieurs siècles, et encore moins celle de leurs descendants. Tout comme la critique d’une religion n’est pas celle de ses fidèles. Les caricatures de Charlie visaient une entité, une religion, pas des personnes. La réduction de D. Obono à sa couleur de peau vise sa personne, pas ses idées. C’est en cela qu’elle relève du racisme, et qu’une enquête préliminaire a été ouverte. C’est en cela que la liberté d’expression s’applique aux caricatures de Charlie et pas au conte de Valeurs Actuelles.

(article publié par noslendemains.fr http://noslendemains.fr/de-charlie-a-obono-la-progression-des-insidieux/ )

un gouvernement de perpléxitude

Éric Dupont-Moretti à la Justice, Gérald Darmanin à l’Intérieur, Roselyne Bachelot à la Culture, Barbara Pompili à la transition écologique, les équilibres internes à ce premier gouvernement Castex nous plongent dans la perplexité et l’incertitude. 

Quelle est donc la logique de ce gouvernement ? La question s’impose tant le message affiché par ce gouvernement, avec assez peu de fortes figures nouvelles, demeure assez flou.  

Coté anciens de LR, le compte y est. Par ordre d’entrée en scène et à l’aune des sujets de préoccupations des Français, Bruno Le Maire assied fermement sa position. L’ambitieux qui se voyait porter les couleurs de la droite à la présidentielle de 2017 est devenu pragmatique. Il joue l’efficacité du portefeuille, plutôt que l’affichage médiatique. En tant que Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire était déjà au coeur des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire, il en endosse désormais le titre officiel et opérationnel avec cette précision : « ministre de la Relance ». 

 Plus spectaculaire évidemment, la promotion de Gérald Darmanin à l’Intérieur. Jean Castex avait déjà signifié son désaveu envers Christophe Castaner, en se rendant auprès des policiers de La Courneuve, sans l’ancien titulaire de Beauvau. On ne saurait être plus clair. Il y aurait eu des tiraillements entre le président et son Premier ministre sur le choix du titulaire. Ce sera bien difficile à vérifier. Si tel avait été le cas, il faudrait en conclure que le président aurait cédé sur ce ministère on ne peut plus régalien. Pour preuve, la longévité de Christophe Castaner, désavoué par les policiers et l’opinion, mais fidèle du président Emmanuel Macron. 

Une fois ces ministères décisifs attribués à des visiteurs respectés de Nicolas Sarkozy, il aurait fallu contrebalancer avec des ministres issus de l’autre bord. Des macronistes issus de la gauche, par ecemple. 

Dans l’ancien monde, le ministre de la justice constitue souvent un contrepoids à celui de l’Intérieur. Que penser de la nomination de l’avocat fort en verbe, Éric Dupont-Moretti ? Non seulement le parcours « d’acquitator » ne suggère pas vraiment un CV très idéologique sur le plan politique. Sera-t-il le meilleur adversaire de Gérald Darmanin? Pour l’heure, sa nomination braque une partie de son ministère : les magistrats. C’est sûr, cette nomination fait du bruit. Est-ce un bon bruit? Le bruit est-il forcément salvateur en politique ? Les grands discours font-ils une grande politique? La conclusion ne va pas de soi.

Quant à l’autre surprise du jour, Roselyne Bachelot, sa nomination à la Culture démontre combien le savoir-faire de l’ancien monde peut apporter du neuf à la réinvention promise par le chef de l’État. 

Tout changement de Premier ministre suppose un savant dosage entre prise de risques et consolidation des acquis. Mais ce soir, entre la consolidation des positions des ministres issus de la droite, et la prise de risque assumée avec la nomination d’un avocat fort en gueule – autrement dit inmaitrisable – Emmanuel Macron ne crée pas la surprise. Il laisse perplexe. C’est déjà mieux que de décevoir.

Jean Castex, celui qui ne s’efface pas

L’affaire était entendue. Le nouveau premier ministre serait effacé, sans personnalité aucune, juste un collaborateur technocrate destiné à mettre en oeuvre le politique du brillant président de la République. En quelques déclarations, le nouveau chef du Gouvernement a démontré le contraire. Jean Castex a du caractère, des valeurs, des ambitions, de l’expérience politique, et il entend que chacun s’en rende compte. « Quand vous aurez appris à me connaître… », promet-il aux journalistes du JDD.

Il ne faut pas se fier aux réputations trop facilement répandues. Elles reflètent bien souvent des conclusions faciles et donc inexactes. Parce qu’Emmanuel Macron n’a pas jugé utile de justifier le départ du populaire Édouard Philippe, chacun a compris que le président éloignait de lui son Premier ministre, car il prenait trop bien la lumière. Son successeur serait donc terne et sans saveur, afin de permettre au président de retrouver toute la force de l’éclat élyséen. Le CV de Jean Castex ne contredit pas ce préjugé. Même si sa carrière l’a mené au coeur de plusieurs ministères puis à l’Élysée, Jean Castex est resté dans l’ombre des cabinets. Cette qualité devait demeurer immuable.

Mais le nouveau Premier ministre se révèle surprenant. Certes, son maniement du verbe n’a rien de flamboyant. Au contraire, il choisit avec soin des mots simples, précis. À l’emphase, cet homme-là semble préférer l’exactitude. Il faut donc écouter ses mots avec attention. Ceux qu’il prononce et ceux qu’il ne prononce pas.

Logiquement, lors sa première prise de parole, il semblerait cohérent que ce premier ministre collaborateur incroyablement promu par le président de la république rende longuement et humblement hommage à son bienfaiteur. Que nenni, Jean Castex n’a pas tressé les louanges d’Emmanuel Macron, mais le panégyrique d’Édouard Philippe. Il insiste sur le fait que c’est le Havrais qui est venu le chercher pour mettre en oeuvre le déconfinement. Il valorise son bilan économique comme étant l’un des meilleurs d’Europe avant la crise sanitaire. Il définit son style : courage clairvoyance, hauteur de vue et élégance. Et si le nouveau Premier ministre reconnaît que les priorités et la méthode devront évoluer, Jean Castex dit s’inscrire dans la continuité d’Édouard Philippe dont il prédit que ses « immenses talents vont durablement rester au service de la France ». Peut-être s’est-il laissé emporter par l’émotion ? Non, au 20 heures de TF1, Jean Castex réitère ce pronostic.

Projeté devant des millions de téléspectateurs, Jean Castex n’a pas peur de la lumière. Certes, il ne « la cherche pas », mais il s’en accommode plutôt bien. « Je suis Premier ministre, martèle-t-il sans émotion, mais avec assurance, je suis un homme politique ». Quant à sa relation avec le président de la République, ce « gaulliste social » la définit de façon institutionnelle  : « le Premier ministre dans la Vè est sous l’autorité du président de la République ». Tiens donc, il aurait pu glisser un petit mot de gratitude, une forme de subordination démontrant son effacement ? Jean Castex s’en passe. Et dans le JDD, il met clairement les points sur les « I ». Cette relation institutionnelle n’est pas de nature à éteindre sa personnalité politique. « Certainement pas », répond-il au journaliste pourrait croire que cet ancien haut fonctionnaire ne se considère pas comme un Premier ministre politique. Et Jean Castex d’expliquer que cela fait dix ans qu’il fait de la politique par son aptitude à négocier, fédérer et agir par les territoires. Certes, cette expérience est moins visible que celle d’un parlementaire, mais à ses yeux, elle la vaut bien. Message implicite aux parlementaires de la majorité qui imagineraient que le premier ministre ne serait qu’un exécutant aisément contournable. D’ailleurs, Jean castex brandit encore les institutions pour revendiquer son rôle  : en tant que chef du Gouvernement, il est chef de la majorité parlementaire. Petite rectification claire et ferme envers ceux qui croient que le poste de premier ministre est supprimé, la Constitution répartit clairement les rôles. Le Premier ministre met en oeuvre le cap fixé par le président de la République, en accord avec la majorité parlementaire. Et pour que sa position vis-à-vis d’Emmanuel Macron soit clairement établie aux yeux de tous, Jean Castex précise explicitement les choses, il refuse d’être considéré comme un « collaborateur » ou un « subordonné voué aux tâches secondaires ». Ce que le président n’envisage absolument pas selon lui.

Le poste de Premier ministre existe toujours bel et bien. Et Jean Castex aussi. En quelques déclarations et interviews, le nouvel hôte de Matignon a posé quelques balises. Il se veut gaulliste social, attaché à la Constitution, à la laïcité et l’autorité. Son style mélangera volontarisme et expérience, avec le souci de rassembler, mais sans consensus mou. Franchement, ces intentions ne ressemblent pas à la feuille de route d’un Premier ministre effacé de l’organisation politique de la majorité. La composition du gouvernement confirmera la portée véritable de ces intentions.

Face à un virus, l’union nationale est une vue de l’esprit

Des millions de personnes obligées de rester à l’abri chez elles, des milliers qui meurent loin de leurs proches, une économie en panne, un pays qui s’endette à milliards, et un système politique forcé de se réinventer. Aucun secteur ne sortira indemne des crises engendrées par le virus. Pour autant, ce bouleversement impose-t-il d’en passer par l’union nationale?

Face à l’ennemi, il faut serrer les rangs! On oublie les divergences, on s’investit sur ce qui nous rassemble et l’on défend nos valeurs existentielles. Car si l’union nationale s’impose, c’est parce que notre existence même est menacée. 

Le virus menace-t-il notre existence? A l’évidence. D’abord, parce qu’il tue. Il asphyxie notre société car il altère nos équilibres économiques, financiers et sociaux – certains diront qu’ils aggrave ces déséquilibres – il détruit notre art de vivre, paralyse nos relations sociales, et confine notre vie politique. 

Autant de bonnes raisons pour oublier les querelles partisanes, les batailles d’ego et d’appareils, les postures politiciennes. Ne perdons plus de temps à ces postures superficielles, unissons-nous pour l’essentiel, contre l’ennemi, contre le virus. 

Sauf que le virus n’est pas un ennemi. Certes, il produit les mêmes effets qu’un ennemi organisé, dont la stratégie peut être déjouée et vaincue. Le virus sera vaincu par un vaccin. Mais d’ici là, nous serons dans l’impossibilité de déclarer notre victoire définitive. Nous ne pouvons que composer, plus ou moins efficacement, contre lui. 

Le virus n’est pas un ennemi, mais un obstacle

C’est en cela que le virus n’est pas un ennemi, mais un obstacle, qu’il nous faut dépasser afin de réorganiser notre vie commune. Or, s’il existe plusieurs façons de réorganiser notre vie commune, il existe également plusieurs façons de traiter un obstacle. Autant un ennemi doit être vaincu, autant un obstacle peut être détruit, contourné, aménagé, repoussé selon la méthode choisie pour en réduire au maximum les effets néfastes. Or, qui dit choix dit pluralité des propositions. Il est donc vain d’en appeler à une union nationale. Dans les circonstances, l’union peut être nécessaire, et même indispensable, mais il ne s’agirait pas d’une union nationale. Il s’agira du rassemblement derrière l’une des méthodes, celle qu’une majorité de Français jugera la mieux à même de réduire l’obstacle coronavirus. Définir et faire partager une méthode commune, c’est tout l’enjeu et la noblesse de la politique.

L’état de guerre, sans chef de guerre

Sous couvert de l’anonymat, des proches, soutiens, conseillers et autres visiteurs de l’Élysée commentent, s’interrogent, et parfois s’inquiètent publiquement à propos de la stratégie de communication du chef de l’État. S’agit-il d’un simple problème de communication ou d’une lacune politique?

Emmanuel Macron à Mulhouse (source site Élysée)

Dans Le Parisien, un proche révèle son angoisse : « il ne faudrait pas que les Français finissent par croire qu’il s’est déguisé en président! » tant le président Macron aime à exprimer sa solidarité avec les personnels spécialisés en revêtant les spécificités vestimentaires de leur fonction. Une tenue de pilote au début de son mandat; un masque, ou une charlotte, pour soutenir les soignants. La profondeur de ce questionnement politiquement existentiel sur la pérennité du pouvoir macroniste se résume en une formule aussi crue que triviale, le port de la charlotte est-il de nature à conforter ou à fragiliser la position du président ?

Car du masque arboré à Mulhouse à cette charlotte rieuse, ce que révèle cette inquiétude sur le déguisement, c’est un questionnement plus profond sur la place et le rôle du président dans cette crise. Emmanuel Macron tient à montrer son implication sur le terrain, mais en même temps, il ne veut rien perdre de sa stature élyséenne, pour ne pas dire jupitérienne. Après cette séquence de la charlotte, l’entourage présidentiel a cru utile d’expliquer,dans le Monde que le président en avait suffisamment fait pour indiquer où devait se situer l’action du gouvernement dirigé par Edouard Philippe. Il allait désormais prendre du recul et laisser son premier ministre gérer l’action immédiate. « Le président veut se réserver du temps pour déceler les angles morts de la crise et réfléchir à l’après. Il veut se redonner de la perspective et de la hauteur de vue » selon l’Élysée. 

La hauteur de vue est supposé être le propre du pouvoir présidentiel. 

Pourtant, aussitôt après cette précision publique, le chef du gouvernement accordait un long entretien à TF1 au cours duquel il répondait aux questions concrètes des Français et s’engageait à ne pas augmenter les impôts à l’issue de cette crise. Edouard Philippe n’a pas précisé s’il s’agissait d’une certitude personnelle ou d’un objectif commun avec le président de la République. De fait, il a démontré qu’un homme politique pouvait à la fois être dans l’action et dans la réflexion. 

La concomitance de ces deux séquences rappelle une vérité oubliée. En politique, comme ailleurs, l’action précède la communication. Elle ne s’y réduit pas. Or, à force de déplacements présidentiels au cours desquels la photo imprime mieux que la parole, ce sentiment semble  prévaloir. Que reste-t-il du déplacement présidentiel à Saint-Barthélémy d’Anjou? L’image d’une charlotte, et un discours toujours confus sur l’utilité des masques pour la population. La photo l’emporte parce que le discours manque de clarté. 

« Nous sommes en guerre! » a insisté Emmanuel Macron pour marquer le basculement entre deux époques. La formule a produit les effets escomptés. Avant, le pays demeurait insouciant, ou indifférent, face au virus. Désormais, chacune de nos actions est soumise aux règles imposées par le Covid-19. La prise de conscience a bien eu lieu, même si, parfois, le respect des consignes connaît quelques relâchements. Mais le terme de guerre a suggéré un changement de pratique politique qui tarde à venir au sommet de l’État. Emmanuel Macron n’a rien changé. Ni à sa pratique politique. Ni à son expression politique. Comme s’il pouvait passer d’un statut par la seule force du verbe. Comme si, politiquement, un chef de guerre se comportait comme un président. 

En France, la posture politique du chef de guerre est régie par des principes édictés par celui-là même qui a inspiré le style présidentiel de la Cinquième, le Général de Gaulle. Dans « Le fil de l’épée », paru en 1932, celui qui n’est pas encore l’homme du 18 juin décrit les qualités qui le conduiront à le devenir. Sa description des forces inhérentes à « l’homme de caractère », le chef de guerre, dessine le profil d’un chef politique confronté à une crise majeure. L’histoire politique française est trop marquée par la figure gaullienne pour s’affranchir de ce cadre. Emmanuel Macron le sait bien, qui aime émailler ses discours du nom du fondateur de la Cinquième. Pourtant, il ne parvient pas à endosser le costume décrit par de Gaulle. Bien sûr, il entend raréfier sa parole puisque « parler, c’est délayer sa pensée, épancher son ardeur, bref se disperser quand l’action exige qu’on se concentre » assure Charles de Gaulle. Lequel précise cependant : « la sobriété du discours accentue le relief de l’attitude ». Autrement dit, le silence n’est pas une fin en soit, il accompagne une attitude et des actes. La Reine Elisabeth II en a donné une version exemplaire hier soir. En seulement trois minutes, elle a délivré le message fort et attendu. 

La posture politique d’Emmanuel Macron, après avoir déclaré l’état de guerre, laisse perplexe. En apparence, rien n’a changé à l’Élysée. Le président n‘échange pas beaucoup plus avec ses partenaires européens – alors que sont évoquées les modalités du déconfinement -, ni ne consulte les oppositions dont il réclame qu’elles jouent l’union nationale, ni ne s’entretient avec les acteurs économiques, sociaux, sociétaux, éthiques ou intellectuels du pays, alors que cette crise sanitaire menace de bousculer la plupart de nos fondamentaux. Comme si cette guerre contre un virus n’avait pas besoin d’être dirigée, concertée, comprise et acceptée par le pays.

À moins que ce rôle de grand coordinateur soit dévolu au Premier ministre. De quoi nous rendre encore plus perplexe sur les ressorts du macronisme.

Marine Le Pen veut clore dès maintenant le quinquennat d’Emmanuel Macron

le penMais pourquoi donc Marine Le Pen se déclare-t-elle candidate à la présidentielle si tôt? Personne ne doutait de ses intentions. Personne ne conteste son leadership. Pourtant, cette lapalissade ne se contente pas d’énoncer une évidence, elle traduit une offensive politique très agressive vis-à-vis d’Emmanuel Macron. 

En lançant dès maintenant la campagne des présidentielles, l’ancienne candidate modifie la grille de lecture du quinquennat. Peu audible à l’Assemblée – où elle ne dispose pas de suffisamment de députés pour diriger un groupe – elle n’est pas en mesure de contester pied à pied le contenu de la politique menée par l’exécutif. En se posant déjà comme candidate à la présidentielle, elle rejette tout en bloc, c’est plus facile, et – ce qui est encore plus intéressant de son point de vue – elle conduit à analyser toute réforme, toute action politique de la majorité à l’aune de la future présidentielle. 

Car Marine Le Pen n’est pas candidate dans l’absolu, elle est candidate face à Emmanuel Macron. De ce fait, dans l’esprit de la présidente du RN, le chef de l’État n’est plus un président en exercice, mais un candidat en campagne. Comme si son quinquennat était déjà terminé. 

royal

Il n’est pas né celui qui fera reculer Ségolène Royal. L’ancienne candidate à la présidentielle se défend bec et ongles. Au-delà du cas de l’Ambassadrice des Pôles, cette affaire soulève une interrogation politique plus large. 

Dans la lettre publiée par Ségolène Royal, le gouvernement lui reproche ses prises de position publiques critiques sur l’exécutif. Bizarrement, il ne lui est pas demandé d’explications concernant l’utilisation des moyens mis à sa disposition par le ministère des Affaires Étrangères et celui de la Transition Écologique.  Pourtant, après les révélations de Radio France, le Parquet National Financier avait jugé bon, lui, d’ouvrir une enquête préliminaire. Une curiosité judiciaire qui a conduit plusieurs ministres, et non des moindres, à quitter le gouvernement. Alors que, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, les ministres démissionnaires pour cause de contestation de la ligne majoritaire sont inexistants. La méthode gouvernementale vis-à-vis de Ségolène Royal alimente une certaine perplexité.

 

municLes élections approchent et l’analyse en paraît toujours aussi complexe. Ce sont des élections locales martèle Emmanuel Macron, comme avant lui ses prédécesseurs menacés par un vote sanction. Ses opposants se frottent les mains, et pourtant, comment le vote sanction sera quasiment impossible à comptabiliser en mars prochain. En premier lieu, parce que La République En Marche ne compte aucun sortant élu à l’origine sous cette étiquette. 

La deuxième raison qui rend très incertaine une analyse nationale de ce scrutin local, c’est que le non-cumul des mandats est passé par là. Un député ou un sénateur-maire ne pouvait pas s’extraire de la politique nationale sur laquelle il devait se prononcer en tant que parlementaire. Cela ne les empêchait pas d’oublier de porter haut leur appartenance à un parti. L’étiquette pouvait être discrète. Aujourd’hui, elle l’est d’autant plus qu’elle n’est qu’une étiquette, pas un discours porté dans des instances publiques nationales.  

Il faudra donc se résoudre à cette imperfection annoncée, la lecture des élections municipales sera plus compliquée qu’une simple addition de scores, ou que la mise en avant d’une ville symbolique. 

 

blog note mouvement social, Megxit

Permettez moi tout d’abord de vous souhaiter une très belle année 2020! Espérons qu’elle sera apaisée et harmonieuse.

Première bonne résolution de l’année, tenir ce blog plus régulièrement

Mouvement social Je viens de voir Philippe Martinez sur LCI. L’interview du leader de la CGT confirme ce qu’exprimait, sans le dire, un leader de la CGT cheminots hier dans l’émission de Bénédicte Le Chatelier: les grévistes ont pris un coup au moral. Retrait ou pas de l’âge pivot, ils ont compris que le gouvernement ne céderait pas, et que leurs troupes, étranglées par 40 jours sans salaire, reprenaient petit à petit le travail. Le gouvernement joue le pourrissement car le mouvement se gâte.  Le syndicat espère encore élargir le mouvement au niveau interprofessionnel. 

Un élargissement auquel travaille également Adrien Quatennens.  Sur France Info, le député de la France Insoumise apparait persuadé que le temps ne jouera pas pour le gouvernement mais en faveur de la contestation. Autrement dit, pendant le pourrissement, les Français se laisseront de mieux en mieux convaincre que le texte doit être rejeté. Jean-Luc Mélenchon apporte inlassablement son soutien aux grévistes. 

CGT et LFI ont partie liée.  Un an après les Gilets jaunes qui se défiaient d’eux, la CGT et LFI reprennent à leur compte la même contestation acharnée du pouvoir. 

Marine Le Pen se situe dans la même contestation, mais elle a déjà quitté le terrain syndical. Sur BFM, elle refuse de se prononcer sur la suite de la grève et en appelle à un référendum “meilleur moyen pour arrêter la grève”. Elle sait qu’il ne sert à rien de mélanger les genres. Elle se concentre sur l’objectif, la présidentielle de 2022, en se cantonnant à son registre, électoral. 

Megxit. La vie de la famille royale d’Angleterre est la première série télévisée. Nous nous passionnons pour ce Game of Throne des coeurs. On y parle de pouvoir, de famille, d’amour, de sexe, d’argent et de mort. The Crown est le préquel de la saison en cours, la bataille de Megan et Harry. La saison Diana, fut celle de l’amour passion déçu. Celle de Charles et Camilla, celle de l’amour passion secret et un peu honteux. William et Kate, l’amour raison. Ces derniers ont permis à la monarchie anglaise de revenir sur ses fondamentaux, avec un brin de modernité. La Reine, habile politique, a très bien compris ce que Megan et Harry pouvaient apporter à cette monarchie coûteuse. Elle a assisté à un mariage volontairement progressiste, ouvrant largement la porte à une culture afro-américaine. Le procédé n’allait pas contre ses intérêts  dans le vaste Commonwealth. 

Lors de ses voeux, l’absence du portrait du couple avait été remarquée. Premier signal public et consenti par Elizabeth à leur émancipation. Harry et Megan ont accéléré le mouvement sur Instagram. Et la Reine leur a donné raison. Je le disais auparavent Club Le Chatelier, la Reine a besoin de Harry et Megan pour moderniser l’image de la famille royale. La Reine est une politique intéressante à observer. 

 

Biarritz, succès de l’avocat d’affaires à l’international, mais en France ?

Capture d’écran 2019-08-27 à 10.02.06À Biarritz, le président français s’est coulé dans le costume d’un avocat d’affaires chargé de négocier un contrat entre plusieurs sociétés concurrentes.

Il a préparé son sommet avec les mêmes méthodes visant à tout connaitre des différentes parties. Tout savoir sur leurs goûts personnels, qu’ils soient alimentaires ou climatiques, ne rien négliger de  leurs références et de leurs habitudes culturelles. Bien connaître leurs craintes par rapport aux dossiers. Lire la suite « Biarritz, succès de l’avocat d’affaires à l’international, mais en France ? »

RECONSTUIRE, PAR LA MÉTHODE OU PAR L’HOMME

Capture d’écran 2019-05-27 à 11.25.17À gauche, les gravats de plusieurs bâtiments sont éparpillés. À droite, l’immeuble s’est écroulé sur lui-même. Mais la conclusion est identique, il faut rebâtir la maison. Il y a deux façons de reconstruire, à plusieurs, avec une méthode commune, ou derrière un homme qui dirige les travaux. La culture de la gauche devrait la pousser vers une reconstruction partagée, celle de la droite a souvent favorisé l’émergence d’un leader charismatique. Sauf que cette reconstruction doit s’opérer à l’ombre d’un duo de leaders non moins charismatiques, aiguillonnés par le collectif illisible des Gilets Jaunes.

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Européenes, l’acte II du dégagisme

Que d’empoignades sur les plateaux de télévision hier ! Bien sûr, les vainqueurs du RN débordaient d’une jubilation difficile à supporter pour leurs opposants. Mais si certains perdants, comme les En Marche, s’efforçaient de relativiser leur victoire, d’autres, comme les LR ou les LFI, avaient du bien du mal à digérer leur relégation en queue de peloton, derrière des écologistes qui, contre toutes les prévisions, deviennent la troisième force politique du pays. Le dégagisme a encore frappé. Mais pas au bénéfice de celui qui, depuis 2017, croyait en être le champion.

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