capture d’écran LCI, un homme insulte A Finkelkraut en brandissant son gilet jaune
Dès le premier jour de mobilisation des Gilets Jaunes, le 17 novembre, autour de ronds-points, ont été tenus des propos racistes, visant des personnes noires. Des incidents isolés « dit-on ». Le 1er décembre, à l’Arc de Triomphe, plusieurs personnes masquées frappent un policier à terre, dégagé par d’autres gilets jaunes. Une violence issue d’une minorité, « dit-on ». Ce même jour, Dieudonné enfile l’étendard fluo et prend la pose avec les manifestants. Il ne représente que lui-même, « dit-on ». Le 22 décembre, le chant qu’il a propagé, « la quenelle »,Lire la suite « Ni haine, ni déni, combattre l’antisémitisme, le racisme, l’intolérance et la violence avec nos valeurs »→
Hier soir, des voitures ont brûlé devant le siège du journal le Parisien. Qu’il s’agisse d’un incendie volontaire ou accidentel, la lecture des échanges sur Twitter à ce sujet était saisissante. D’un côté, ceux qui s’indignaient, à juste titre, d’un nouvel acte violent et dangereux contre la presse. De l’autre, ceux qui banalisaient et justifiaient, parfois, cette forme d’action. Avec une virulence et une haine d’autant plus fortes qu’elles émanent de comptes anonymes.
Au terme de sept samedis de mobilisation, force est de constater que le nombre des gilets jaunes présents sur le terrain faiblit. Le constat « quantitatif » est indiscutable, même si, sur le plan « qualitatif », personne ne prétend que la crise révélée par le mouvement est résolue.
Pour autant, alors que reflue la vague jaune, les cailloux qu’elle a charrié restent sur la grève. Des actions violentes contre les structures de notre société et des agressions verbales ou physiques contre leurs représentants : les responsables politiques, et le premier d’entre eux, le président de la République ; une préfecture et ses employés ; les forces de l’ordre au contact des manifestants et qui exercent leur mission au nom de la société ; ou contre les médias qui rendent compte du mouvement. Des slogans ou des gestes (la quenelle) xénophobes, racistes, antisémites et vantant la volonté de détruire le « système », autrement dit notre organisation démocratique.
Les gilets jaunes s’exprimant dans les médias balaient ces actes condamnables en les renvoyant à des gestes minoritaires, non assimilables à l’ensemble du mouvement, sans pour autant exclure leurs auteurs inconnus. Le propre de ce mouvement étant que personne ne rejette personne, car le rassemblement n’appartient à personne. Le mouvement des gilets jaunes est anonyme. Personne ne le représente, ou à l’inverse, tout le monde le représente. Personne ne peut prétendre le diriger. Personne ne souhaite, d’ailleurs, endosser publiquement cette responsabilité.
Né sur les réseaux sociaux, le mouvement des gilets jaunes en a adopté la principale facilité : l’anonymat. La première caractéristique de ce mouvement, décrit comme protéiforme, est en réalité qu’il est anonyme, sans responsable, et par conséquent irresponsable. Deux qualités appréciables du point de vue de ceux qui se sentent les oubliés de l’action publique, accablés par des élites qui les ignorent. L’anonymat a un goût de vengeance. Il permet de se sentir aussi irresponsable et impuni que sont soupçonnées l’être les élites honnies. Le terme a été repris pour qualifier un ancien collaborateur de l’Élysée, alors qu’il est poursuivi par la justice et soumis à un contrôle judiciaire. La revanche de l’impunité génère des actions violentes à visage masqué, dans l’anonymat du groupe.
La propagation en masse de fausses informations sur les réseaux sociaux a déjà soulevé cette problématique. L’identité de l’émetteur constitue la première étape de la crédibilité d’une information. Les médias dits « traditionnels », visés par les manifestants, sont des médias identifiés dans lesquels travaillent des journalistes professionnels qui signent leurs articles. A contrario, les réseaux sociaux permettent à des personnes cachées sous pseudo ou à des robots créés par des humains masqués d’agir comme des journalistes ou des citoyens supposés identifiables, mais qui en réalité ne le sont pas. L’effet masse crée la crédibilité d’une fausse information. L’anonymat autorise l’irresponsabilité. Il décuple l’expression de toutes les haines et de toutes les violences. Aussi choquante que soit cette évolution, elle est un fait qui s’impose à notre société.
L’enjeu soulevé par le mouvement des gilets jaunes n’est pas seulement celui d’une crise économique, sociale et politique, il est celui de la résistance des démocraties aux pièges de l’anonymat et de l’irresponsabilité.